Tout Hayao Miyazaki en une séquence

Mon voisin Totoro de Miyazaki

Mon Voisin Totoro, un conte japonais pour enfants et adultes

Hayao Miyazaki commence sa carrière de dessinateur aux studios Toei Doga où il rencontre Isao Takahata. Ensemble, ils réalisent Nausicaä de la vallée du vent, puis ils décident de fonder le studio Ghibli pour pouvoir créer librement leurs films d’animations. Que ce soit le nom des studios, ou l’un des animes de Hayao Miyazaki, tout le monde en a déjà entendu parler : Princesse Mononoké, Kiki la petite sorcière, Le Château ambulant, Le Voyage de Chihiro

Mon Voisin Totoro est un grand succès commercial : Totoro est devenu le logo du studio Ghibli et l’une des peluches les plus vendues au monde. Cet anime semble d’abord s’adresser aux enfants : le personnage principal est une petite fille qui tombe sur une sorte de grande peluche alors qu’elle explore son jardin. Mais pour le réalisateur japonais, l’enfant n’est pas une cible commerciale ; il est une façon de voir le monde…

Mei au pays des merveilles

La séquence de rencontre dans Mon Voisin Totoro est emblématique de cette poésie de l’enfance. La petite Mei s’ennuie : sa mère est à l’hôpital, sa grande sœur à l’école, son père dans son bureau. Admirez ce cadre qui confronte un adulte géant, croulant sous le travail, à une petite fille minuscule, laissée littéralement au second plan.

L’ennui est le meilleur ami de l’imagination. Pour s’occuper, elle invente toutes sortes de jeux : cueillir des fleurs, embêter les têtards, ramasser tout ce qui traîne, comme ce vieux seau troué ou ces glands trop bien alignés. Tiens, si on suivait cette piste… ? Ce faisant, Mei tombe nez à nez avec une étrange petite bête à grandes oreilles, bientôt rejointe par un compagnon tout bleu. Telle Alice pourchassant le lapin blanc, elle se lance à leurs trousses et fonce tête baissée vers l’aventure.

Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki
Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki

Un grand moment d’animation

Attention : grand moment d’animation ! Nos deux bestioles ont beau feinter, disparaître, se retourner, accélérer, se cacher… rien n’y fait. La petite Mei les talonne sans relâche. Chaque dessin est millimétré et pensé pour accroître l’impression de mouvement. Les corps se déforment même dans les virages sous l’effet de la vitesse.

Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki
Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki

On se croirait chez Chuck Jones, le génial créateur de Bip bip et le coyote : tout est fait pour donner à la séquence un caractère à la fois drôle et dynamique. Quatre décors fixes se succèdent, que nos coureurs traversent à toute allure et dans toutes les positions : vus de haut, puis de face, de dos, et enfin en plan très large.

L’aventure intérieure : un thème cher à Miyazaki

Puis les couleurs s’assombrissent progressivement et l’espace semble se resserrer autour de Mei. Hayao Miyazaki ménage ses effets et sait qu’en créant une atmosphère inquiétante, la rencontre avec Totoro n’en sera ensuite que plus réconfortante.

Comme dans Alice au Pays des merveilles, ce parcours est également une aventure intérieure.
À mesure qu’elle s’enfonce dans la forêt, Mei cherche à se réfugier pour échapper aux malheurs extérieurs. Quant à ce Totoro tout rond qui dort comme un bébé, lové dans une bulle bien douillette, on est tenté d’y voir un symbole maternel. On parierait que Mei puise au plus profond d’elle-même, pour recréer ce qui lui manque le plus : sa mère.

Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki
Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki

La rencontre qui s’ensuit est un pur moment de tendresse. Totoro et Mei se découvrent, se touchent, se hument, se hérissent et finissent par s’adopter l’un l’autre. Regardez le visage intrigué de Totoro. Comme les ours de Boucle d’or, il s’inquiète de voir cette enfant agitée s’inviter dans son terrier. Miyazaki introduit ainsi une réaction réaliste de la part d’un personnage de pure fantaisie. C’est ce que l’on appelle un « effet de réel », qui permet au spectateur d’adhérer sans distance au fantastique.

Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki
Scène du film Mon voisin Totori de Hayao Miyazaki

La séquence s’achève par un travelling arrière très poétique, qui laisse la belle et la bête assoupis. Mei est-elle en train de rêver ? Cet ami au poil est-il seulement réel ? Dans le froid de la solitude et de la maladie, il importe peu que la fourrure soit vraie, du moment qu’elle tient chaud.

Samuel Rouget


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