Tout Tim Burton en une séquence

La transformation de Catwoman dans le film Batman, le défi

Edward aux mains d’argent, Charlie et la Chocolaterie, L’Etrange Noël de Monsieur Jack, Frankenweenie, Beetlejuice : autant de films qui font la notoriété de Tim Burton. Enfant, il commence par dessiner dans sa chambre et réaliser des courts-métrages en stop motion comme Vincent. En 1979, il travaille chez Disney, mais son esthétique n’est pas compatible avec celle des studios : Tim Burton préfère les ambiances sombres inspirées des films d’épouvante, et pratique l’humour noir. Cette esthétique n’a jamais quitté le réalisateur, aussi producteur et scénariste, et on peut la retrouver dans la plupart de ses films et dessins animés.

Dans Batman, le défi par exemple, Tim Burton donne une version de la naissance de Catwoman typique de son univers. Le réalisateur s’approprie le motif de la scène de transformation, un passage obligé de tous les films de super-héros.

Un personnage en pleine crise de folie

La séquence se situe au premier tiers du film. Selina Kyle vient d’être mortellement blessée par son patron, qui l’a jetée du haut d’un immeuble. Après avoir été miraculeusement ramenée à la vie par une horde de chats, elle rentre chez elle. Une scène précédente nous avait déjà fait pénétrer dans son appartement et nous avions découvert son rituel quotidien : allumer la lumière, poser les clés sur le meuble d’entrée, écouter le répondeur, parler toute seule, enlever ses chaussures, nourrir son chat…

Les deux scènes se ressemblent, mais cette répétition évoque maintenant la tristesse de Selina. Traumatisée par ce qu’elle vient de vivre, elle rentre et reproduit machinalement ses gestes habituels. Mais la mécanique est rouillée : clés à terre, lampe cassée, lait renversé à côté. Sa petite vie lui apparaît alors ridicule, et elle en rit comme une folle.
Voyez la performance exceptionnelle de l’actrice Michelle Pfeiffer, qui réussit à déformer son visage pour exprimer la folie !

Un thème phare de Tim Burton : renoncer à l’enfance

Selina tourne dans tous les sens, crie, renverse ses meubles et écrase son répondeur. Elle va si vite que même la caméra ne parvient pas à contenir sa folie. Elle détruit les photos de son passé à coup de poêle et brise son miroir : son ancienne vie vole en éclats. Elle mutile même ses peluches. Comme si, pour se défaire de cette existence qui lui pèse tant, elle devait aussi se séparer de son enfance.

Voilà un thème cher à Tim Burton : l’enfance est à la fois un trésor et un fardeau. Trésor parce qu’on y puise sa force, son imagination et sa singularité. Fardeau parce que grandir, c’est arrêter de faire ce que l’on attend de nous. C’est essayer de devenir soi-même, et cela n’est pas facile. 

Selina devient Catwoman, future alliée de Batman

Selina quitte le salon pour passer dans sa chambre. On découvre une jolie pièce acidulée, filmée de très près : un lit doré, une tapisserie rose, un beau bouquet de fleurs. Soudain, la voilà recouverte par une peinture noire qui obscurcit tout. La caméra recule : on comprend qu’il ne s’agit pas de la chambre de Selina, mais de sa maison de poupée qu’elle repeint totalement en noir.
Que comprendre ? Tim Burton nous dit que jusqu’ici, Selina était comme une poupée, prisonnière d’un enfer rose.

Dans le plan suivant, les lettres lumineuses accrochées au mur, une fois cassées, indiquent d’ailleurs Hell here (« ici, c’est l’enfer » en anglais) au lieu de Hello there (« salut là-bas ») : un jeu de mot visuel, qui reflète l’état d’esprit de Selina à ce moment-là.

Enfermée dans son costume de secrétaire rose bonbon, Selina se libère dans cette scène en brisant sa cage : son image (le miroir), puis son univers d’enfant (les peluches et la maison de poupée), avant de se confectionner un nouveau costume. Car pour redevenir quelqu’un, elle doit devenir une autre.
Cette autre, ce sera Catwoman. Miaou !

Samuel Rouget

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