L’art du manga a plus de 60 ans aujourd’hui. Une longue période pendant laquelle il a bercé l’enfance de nombreuses générations d’artistes au Japon et dans le monde, qui lui rendent désormais hommage dans leurs œuvres. En voici 10 que nous avons découverts ou redécouverts lors de nos pérégrinations pour notre numéro dédié.
Takashi Murakami
Takashi Murakami, d’origine japonaise, s’est fait connaître en Europe et dans le monde par ses créations loufoques et très colorées, inspirées de l’univers du manga dans lequel il baigne depuis petit. Vous avez sûrement déjà vu sa fleur aux pétales multicolores et au grand sourire, qu’il décline sur de nombreux supports, en dessin, en vidéo, en statue, en motifs de vêtement, etc. Elle hérite du manga sa simplicité apparente, qui cache en réalité un panel de références culturelles et de critiques sociétales. Ce qui plaît dans ses œuvres ? Le côté déjanté, parfois dérangeant voire inquiétant, édulcoré par les formes « kawaii » (mignonnes) qu’il choisit.
Invader
On vous parlait du street artiste français dans notre numéro de novembre 2021. Anonyme, ses œuvres nous permettent tout de même de plonger dans son univers et d’en savoir un peu plus sur lui. Vous l’aurez peut-être deviné à son nom – directement inspiré d’un jeu vidéo –, son dada, c’est la culture populaire. Jeux, bande-dessinée et manga font partie de son répertoire courant, qu’il décline en mosaïque sur les murs du monde entier. En 2014, au Japon, il rend d’ailleurs un hommage à un des héros historiques du manga : le petit robot Astroboy.
Son art abordable par tous, autant dans ses références que dans son style et dans sa localisation, a rendu l’artiste si populaire que des municipalités lui ont même demandé d’orner les murs de leur ville, lui qui a commencé son œuvre dans l’illégalité.
ob
Ce regard immense et hypnotisant semble nous fixer jusqu’à nous mettre mal à l’aise, comme une poupée sans vie. Les peintures d’ob, une artiste japonaise, s’inspire aussi de l’univers kawaii des mangas, avec ces figures de petites filles aux grands yeux. A l’instar de Murakami, l’artiste détourne ces modèles avec des scènes suspendues, mystérieuses, et parfois angoissantes. Les formes, qui empruntent à la réalité, sont rendues vaporeuses, souples, simplifiées pour souligner l’essentiel… Un univers silencieux, où les personnages, dépourvus de bouche, communiquent les émotions à travers leurs gestes et leur regard. Curieusement, l’artiste s’est faite connaître en 2010 dans une exposition collective nommée, en japonais, « Le cri » !
Aya Takano
De la même génération qu’ob, cette artiste reprend aussi le style manga dans ses peintures : grands yeux et traits simplifiés qui construisent des figures allongées à l’aspect kawaii. Takano se rapproche cependant plus du côté narratif du manga. Ses images sont construites comme des scènes au sein desquelles ses personnages dialoguent, entre eux et avec le décor.
Dans cette peinture, on retrouve d’ailleurs le fameux Doraemon (le chat robot qui vit le jour en manga dans les années 1960) en couverture d’une multitude de livres adulés par la jeune fille. Une représentation si personnelle qu’elle semble être un autoportrait… et c’est bien le cas ! La peintre représente son amour pour le personnage qu’elle nomme affectueusement « Dora-chan ».
Kerby Rosanes
Kerby Rosanes est un illustrateur philippin qui s’est fait connaître grâce à Instagram, réseau sur lequel il est aujourd’hui suivi par plus d’un million de passionnés. Son mérite réside notamment dans son style de dessin, le plus souvent réalisé au feutre fin noir, et fourmillant de détails fabuleux et d’une précision à couper le souffle. Dès ses premières publications, il revendique ses inspirations issues de l’animation et du manga. Ses références ? Les films d’Hayao Miyazaki, et des titres populaires comme One Piece, Hunter x Hunter ou encore Pokémon. S’il représente parfois ses héros dans des compositions qu’il personnalise avec sa touche particulière, on retrouve cette culture visuelle à travers toute sa production, même inédite.
Seng Soun Ratanavanh
Seng Soun Ratanavanh est une peintre et illustratrice française, dont l’œuvre est bercée de références stylistiques à la culture japonaise, non seulement au manga, mais aussi à l’estampe et à l’art du tissu. Des motifs fleuris ou solaires se répètent sur les kimonos que revêtent ses modèles, contrastant dans cette œuvre avec les rues de la ville hyper technologique qu’est Tokyo. L’artiste est surtout connue pour ses illustrations de livres, comme la série des Miyuki ou Les jours heureux dont les récits se déroulent dans un Japon rêvé.
Akino Kondoh
L’artiste croise des références aux deux arts japonais qui ont marqué l’histoire, l’ukiyo-e et le manga, avec ses compositions en noir et blanc, ou en couleur, au dessin aussi précis qu’il est mystérieux. Au fusain, au crayon, à la peinture l’huile, Akino Kondoh maîtrise une grande variété de matériaux, ainsi que de supports, car en plus de créer des toiles, elle est aussi mangaka et réalisatrice de courts métrages d’animation. Une carrière plurielle qui lui vaut une belle reconnaissance de l’État japonais, qui l’encourage avec ses financements à promouvoir son art à l’international.
Vanessa Linares
Si visuellement, le parallèle avec le manga est a priori moins évident, la Barcelonaise Vanessa Linares plonge ses œuvres dans un univers fantastique hérité du folklore japonais et notamment transmis à travers le manga : les yokai. Ce sont des créatures qui existent entre le monde des esprits et le monde des humains, et qui incarnent parfois certains aspects de la nature, comme les Sylvains, esprits de la forêt. L’artiste les nomme « Guspirus » et ils peuplent ses images comme une traduction visuelle de ses émois intérieurs. Elle le dit-elle même : « Leurs yeux ronds et noirs, vivants, en alerte constante, perplexes ou en attente, méfiants ou confiants, tentent de comprendre ce qui se passe dans le monde réel, en dehors de la forêt ». Elle exprime ainsi une inquiétude moderne, celle de la destruction progressive de la nature par l’activité humaine. Une problématique qui trouve écho chez de nombreux mangakas.
Jimmy Yoshimura
Cet artiste japonais de la nouvelle vague confronte dessin, peinture et photographies anciennes dans des collages sous forme de page de manga. Chaque partie de ses compositions est liée : la photographie retravaillée incarne la tradition ancienne, comme ici celle du samurai ; la peinture prend pour modèle la jeunesse d’Harajuku fortement influencée par la technologie et le monde occidental, qui emprunte librement des codes à la tradition comme ce masque à pic ; le dessin au trait, évoquant plus clairement le manga, explicite la transition entre les deux personnages, aidée par le texte. Une œuvre chronologique qui souligne l’évolution sociale du Japon en puisant dans ses stéréotypes.
Nef
Un peu comme ob, Nef, artiste française, concentre une partie de son travail sur la force du regard, reprenant le style propre au manga des grands yeux comme miroir de l’âme. Parfois, ce sont même les seuls (ou presque) éléments de sa composition, suintant, pleurant, saignant et transmettant un malaise certain. Elle traite aussi d’autres parties du visage, comme le nez ou la bouche, dans des compositions plus souvent isolées.
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