Roi du pictogramme coloré et des personnages agités, artiste queer engagé, des rames du métro new-yorkais aux grands musées… Keith Haring aura marqué de sa patte et de ses convictions la scène artistique internationale de la fin du 20ème siècle. Plongez avec nous le temps de 5 minutes dans l’œuvre de cet artiste plus provocateur que son air désinvolte peut le laisser penser.
Qui est Keith Haring ?
Les débuts de l’artiste militant
Né en 1958 en Pennsylvanie, Keith Allen Haring grandit dans la bourgade de Kutztown. Afficionado de dessin dès son plus jeune âge, il est influencé par les dessins animés de l’époque, comme les Looney Tunes, et par son père féru de bandes dessinées. Le jeune Keith démarre après le lycée une formation de dessin publicitaire qu’il arrêtera très vite ; il commence alors à exercer en tant qu’artiste. Il déménage finalement à New York en 1978 où il entre à la School of Visual Arts. Ses grands principes esthétiques et éthiques apparaissent dès lors : des personnages sans visage et des chiens graphiques, une palette resserrée mais vive, une indignation face à un contexte politique houleux et une société américaine traditionaliste, mais aussi une grande efficacité dans le message que véhiculent ses œuvres.
Une carrière éclair dans un New York bouillonnant
Haring entre en contact avec la scène artistique underground de l’East Village et devient rapidement ami avec Jean-Michel Basquiat et Andy Warhol. Héritier du pop art, Keith Haring prend conscience que ses œuvres peuvent avoir un intérêt public. D’autant qu’il fait face aux problèmes que rencontre sa génération notamment l’épidémie du SIDA, qui se propage dans le milieu gay, le racisme et les violences policières, ou les ravages du crack. Pour se faire connaître, il commence notamment à dessiner ses pictogrammes à la craie dans le métro.
L’artiste multiplie ainsi les différents supports et travaille rapidement. Ses silhouettes noires et blanches se détachent sur des fonds colorés, saturés, et envahissent aussi bien des toiles que l’espace public, des sculptures que des corps et à la fin de sa carrière … une BMW ! Haring réalise également des produits dérivés, vendus dans son Pop Shop, et floque ses motifs sur des jeans par exemple, ce qui lui vaudra des critiques de ses contemporains : dérive commerciale ou art véritablement accessible à tout le monde ?
Après une douzaine d’années d’activité et de succès, Keith Haring décède des conséquences du SIDA le 16 février 1990. Il laisse derrière lui une griffe créative identifiable entre toutes et quelques milliers d’œuvres.
Quelques œuvres de Keith Haring

C’est à travers Andy Warhol que Keith Haring fait la rencontre de Grace Jones. Véritable icône de mode et muse incontestée des artistes des années 1980, Jones incarne une beauté fatale, glaçante et androgyne.
À la fois mannequin, actrice et chanteuse, son charme moderne et primitif séduit notre cher Keith. Cette œuvre de body painting, photographiée par le légendaire Robert Mapplethorpe, montre toute la palette de supports qu’utilisait l’artiste. Grace Jones incarne elle-même une œuvre d’art et reprend ici la pose des personnages de Haring.

Le non-finito (non terminé en italien) est un principe artistique, qui désigne le fait de laisser, volontairement ou non, une œuvre inachevée. Ici, c’est un non-finito pessimiste qui s’offre à nous.
Haring découvre en 1988 qu’il est atteint du SIDA et voit ses amis un par un succomber aux conséquences de la maladie : son sort est scellé en l’absence d’un traitement efficace à l’époque. L’œuvre – intentionnellement non-finie – témoigne ainsi, de manière brutale et silencieuse, d’une angoisse de la mort qui pèse sur Haring comme une épée de Damoclès.

Keith demeure ce jeune homme en colère, engagé et indigné. Une de ses grandes œuvres de street art, c’est cette fresque affichant haut et fort le slogan « Crack is wack » (le crack c’est nul). Visible depuis la voie rapide, l’œuvre réalisée sans autorisation sera finalement protégée par la mairie de New York. Le mot prévention prend tout son sens dans l’œuvre, en observant les crânes s’envolant et les personnages destinés à être dévorés par les créatures de la fresque. L’image est à la fois cartoonesque et efficace.
Voir Keith Haring à Paris

Exposé à l’église Saint Eustache dans le premier arrondissement de Paris, ce triptyque en bronze fait partie des dernières œuvres réalisées par l’artiste avant sa mort en 1990.
Haring aimait beaucoup l’Europe, et particulièrement Paris, car c’est là qu’il connut une nouvelle reconnaissance de son talent en tant qu’artiste. En effet, le mouvement graffiti s’essouffle aux États-Unis dès la fin des années 1980 mais plaît et se développe du côté des Européens. Il fait le choix d’offrir avant sa mort une œuvre à la ville qui l’a si bien accueilli.
Le triptyque reprend quant à lui le répertoire de formes habituel et récurrent chez Haring. Mais cette fois-ci, il est utilisé pour une scène religieuse, celle d’une adoration du Christ. Cette image chrétienne à la façon Haring dénote de ses précédentes œuvres sur la religion : le triptyque ici est honnête, empli d’espoir et ne montre pas de critiques virulentes de la religion chrétienne, comme il aurait pu le faire auparavant.

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