Tout Edward Hopper en une œuvre 

Oiseaux de nuit, un tableau emblématique du travail d’Edward Hopper

Edward Hopper est un peintre du début du 20e siècle, en décalage avec son temps. En effet, alors qu’à cette époque fleurissent les artistes d’avant-garde et l’art abstrait, il incarne une forme de réalisme qui renvoie davantage au 19e siècle. Gravures, aquarelles, affiches, estampes : l’artiste américain s’essaye à toutes les techniques. Il aime représenter des scènes banales de la vie quotidienne, des paysages ruraux et urbains qui illustrent la vie américaine.

Pourtant, le peintre américain disait : « Mon but a toujours été la transcription la plus exacte possible de mes impressions les plus intimes. » Il cherche à reproduire la réalité non pas telle qu’elle est, mais telle qu’il la ressent. On peut analyser son tableau le plus connu par le biais de cette citation . Petite analyse d’Oiseaux de nuit, « l’une des meilleures choses que j’ai faites » selon Edward Hopper.

Tableau Oiseaux de nuit d'Edward Hopper
Edward Hopper, Oiseaux de nuit, 1942. Huile sur toile, 84,1 x 152,4 cm. Chicago, The Art Institute. © The Art Institute of Chicago / Photo : Robert Hashimoto.

Une scène américaine

C’est la nuit, les rues sont désertes. Quatre personnages silencieux semblent attendre quelque chose dans ce diner, un restaurant-bar typiquement américain. Parmi ses sources d’inspiration, Hopper avait lu une nouvelle d’Ernest Hemingway avec des gangsters.

Oiseaux de nuit, c’est en effet d’abord une ambiance, comme le début d’une scène de film dont le peintre nous laisse deviner la suite. Cela est typique de la peinture de Hopper. D’ailleurs, le format rectangulaire du restaurant, violemment éclairé et encadré par deux bandes noires horizontales, fait penser à un écran de cinéma !

Une architecture en suspens ?

Même si l’action est figée, le tableau est rythmé par de nombreuses lignes : celles des bâtiments. La toile a une dimension horizontale, renforcée par le format allongé du diner. Par contraste, les personnages et les machines à café, verticaux, semblent surgir et se dresser. Ce procédé est fréquent dans les toiles de Hopper pour mettre en valeur un élément.

De même, son goût des perspectives réalistes : à première vue, ses tableaux ont l’air très réels. Mais regardez le restaurant qui déborde du cadre… On dirait qu’il flotte un peu ! Étrange, non ?

Un paysage urbain immobile

Le peintre raconte aussi qu’il s’est inspiré d’un restaurant new-yorkais. Pourtant, l’absence de vie qui règne dans cette rue évoque plutôt un décor de carton-pâte ! La manière de peindre de Hopper renforce cette impression. Il aime que la matière soit lisse, sans relief.

D’ailleurs, aux rayons X, on ne discerne aucune correction sous la fine couche de peinture des Oiseaux de nuit. Ses grands aplats de couleur sont sa marque de fabrique. Comme souvent aussi, ses couleurs sont froides et la lumière est crue, avec une dominante verdâtre qui rend le teint blafard. Seule la robe rouge de la femme met un peu de vie.

Une peinture pleine d’ambiguïtés

Absorbés dans leurs pensées, les personnages semblent prisonniers d’un bâtiment hermétiquement clos. Aucune porte n’est visible ! Ils sont isolés, d’autant plus que tout est vide et obscur autour d’eux. Quel calme… Nous les observons à travers une vitre si transparente qu’on se demande si elle existe.

Mais à y regarder de plus près, leurs attitudes sont pleines d’ambiguïtés. Ce couple, par exemple : ils ne se parlent pas, ne se regardent pas, mais leurs mains se touchent presque. Et que tient la femme dans sa main ? Un billet de banque ? L’addition ? Le serveur, lui, entrouvre la bouche, comme s’il allait parler. Il y aussi cet homme solitaire, qui nous tourne le dos et qui paraît bien menaçant avec son chapeau incliné sur sa tête. Même ce verre vide sur le comptoir sème le trouble : qui vient donc de partir ? Pourquoi ? Comme toujours, Hopper glisse une part de mystère dans ses toiles. À nous d’imaginer le reste.

Alexandra Favre


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