Tout Joan Miró en une oeuvre

Peintre, céramiste ou sculpteur ? Cubiste, fauviste ou surréaliste ? Complexe, ou enfantin ? Difficile à suivre, ce Joan Miró ! Il change sans cesse, recommence tout, tout le temps. De zéro ? Eh non… Certains motifs lui collent à la peau. Essayons de saisir la poésie Miró à travers une de ses œuvres emblématiques : L’Or de l’azur.

Miró, ou le roi du chamboule-tout

S’il y a un artiste qui ne s’est jamais reposé sur ses lauriers, c’est bien Miró. Travailleur acharné, il n’a de cesse de remettre en question son travail. Après ses œuvres surréalistes, ses peintures sauvages, ses Constellations, le voilà installé dans un grand atelier à Majorque à partir de 1956.

Son rêve est exaucé mais il se débat à nouveau avec sa peinture et ses idées. Il détruit même certaines de ses œuvres. Et tandis qu’il s’adonne à la sculpture avec toutes sortes d’objets hétéroclites, sa peinture s’épure à nouveau. Le peintre choisit d’avoir recours à une palette de coloris restreints, comme dans ses toiles des années 1925. Vive les couleurs : elles sont mises à l’honneur jusque dans le titre, L’Or de l’azur.

L'or de l'azur, Fondation Joan Miró, Barcelone.
L’Or de l’azur, Joan Miró, 1967, acrylique sur toile, 205× 173 cm, fondation Joan Miró, Barcelone.

Entre terre et mer, un signe !

Pas évident de faire table rase du passé… Ainsi, L’Or de l’azur est un résumé des signes et des images chers à l’artiste. Dans quel monde étrange des étoiles géantes scintillent dans un ciel jaune, comme en plein soleil ? Dans l’imaginaire de Miró, bien sûr !

En effet, être réaliste importe peu à l’artiste. Ce qu’il voit n’est qu’un point de départ. Pas question de s’affoler à cause de ce disque bleu alors. D’ailleurs, il est scindé en deux, comme pour mieux délimiter la frontière entre la mer et le ciel, deux espaces qui reviennent souvent dans son œuvre.

À moins qu’il ne s’agisse d’un soleil ? Le soleil en pleine nuit, on aura tout vu ! D’autres cercles, motifs chers au peintre, viennent rythmer cette toile cosmique. Rouge cerclé de blanc, vert plus diffus. Quant à ces ronds noirs, ce sont des personnages : à gauche, une femme et sa jupe bouffante ; à droite, un homme et son marteau. Le jour / la nuit ; l’homme / la femme ; le bleu / le jaune. Complémentaires, mon cher Miró !

La poésie de Miró

L’arc de cercle noir, dense et appuyé, évoque la calligraphie orientale. Hasard ? Non, Miró s’est rendu au Japon un an auparavant. Le pays du Soleil Levant l’a d’ailleurs toujours attiré. Dès 1917, il peint son ami Enric Cristòfol Ricart sur fond d’estampe japonaise tandis qu’en 1924, il associe peinture et écriture dans ses peintures- poèmes.

En effet, en Extrême-Orient, pas de différence entre peintre et écrivain : seul l’art du geste compte. Alors, Miró, maître zen ? Presque, puisqu’il a pour habitude de travailler dans un état proche de la méditation et nous offre des œuvres où le vide a une grande importance.

En contemplant cette œuvre, on voyage vers le Japon mais aussi en son for intérieur. Voyez plutôt les différents mouvements qui ont été nécessaires pour réaliser ce fond jaune, ce cercle bleu, dense ici, vaporeux là. Ce n’est pas parce qu’elle n’est pas estampillée « peinture onirique » que cette œuvre ne nous transporte pas dans un monde de rêveries. Et que dire du titre, L’Or de l’azur ? Décidément, Miró est autant peintre que poète.

Clémence Simon


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