Le tour du monde en 10 escales art déco

La revue DADA se compose de 52 pages, et pas une de plus ! Autant dire qu’on est parfois frustrés de n’avoir pu vous présenter certaines œuvres. On vous propose donc de revenir ici sur quelques architectures inspirées du mouvement art déco qui ont tapé dans l’œil de la rédaction. Prêts pour un voyage autour du monde ?


(Europe)

L’église Sainte-Jeanne-d’Arc à Nice, France

Lieu de départ : Nice ! Au cœur de la ville trône cette étrange hutte d’un blanc éblouissant. Immaculée dedans comme dehors, l’église Sainte-Jeanne-d’Arc se détache avec splendeur sur l’azur du ciel méditerranéen. Érigée sur les fondations d’un projet inachevé, elle voit enfin le jour en 1934 sous l’égide de l’architecte Jacques Droz. C’est l’une des premières en France à être construite avec des voiles de béton armé. Ce matériau confère la souplesse nécessaire à l’établissement de ces dômes aériens. Ses formes épurées et régulières voire symétriques, qui mêlent légères courbes et lignes droites, l’inscrivent définitivement en emblème de l’art déco qui fait alors fureur dans le monde entier. Depuis 1992, elle est même classée comme monument historique.

La boîte aux étoiles (Stærekassen) à Copenhague, Danemark

Voilà une interprétation un peu différente des préceptes de l’art déco. Dans ce passage d’une rue danoise se dresse ce « nichoir » qui est en réalité une annexe du Théâtre royal. On y retrouve l’accord de lignes droites et convexes dans une belle symétrie. En revanche, pas d’épuration par le blanc : la touche décorative s’affirme dans un jeu de couleur. Des motifs géométriques s’alternent en partie basse, tandis que le haut de l’édifice est habité par trois statues dorées. Au centre, muni de sa harpe, se présente Apollon, dieu des musiciens. Il est entouré des muses de la Tragédie et de la Comédie. Passez sous l’arche pour découvrir une immense voûte couverte de mosaïque, où chaque groupe représente une forme d’art. L’aménagement intérieur conclut cette promenade esthétique dans les Années folles.

(Asie)

Le monument pour la démocratie à Bangkok, Thaïlande

On s’envole pour la célèbre capitale thaïlandaise, Bangkok. Inratable, ce monument au cœur de la ville se situe… sur un rond-point ! Avec ses quatre ailes réparties symétriquement de part et d’autre d’une tourelle centrale, il présente bien les préceptes de l’art déco : mélange de lignes courbes et droites, rigueur géométrique et style épuré. Érigé en 1939, Il célèbre l’installation 7 ans plus tôt de la monarchie constitutionnelle, et revendique ses liens avec la culture occidentale. Comment ? Bien qu’il présente des figures issues des mythologies hindoue et bouddhiste, sa typologie emprunte clairement à l’Antiquité gréco-romaine. Avec ses bases ornées de frises sculptées et ce motif de palmette récurrent, il se place comme un arc de Triomphe d’un nouveau genre, un modèle d’ailleurs revendiqué.

« The Majestic » à Singapour

Un peu plus bas, à l’extrême sud de la Malaisie, voilà Singapour. Cette cité-état, aujourd’hui renommée pour ses architectures modernes aux airs futuristes, a toujours su être à la pointe de la mode. The Majestic, un ancien théâtre cantonais bâti en 1928 par le philanthrope Eu Tong Sen pour sa femme, grande amatrice du genre, est un bel exemple de fusion entre deux cultures : occidentale avec la dernière tendance de l’art déco dans cette façade géométrique, symétrique et épurée ; et chinoise avec cette ornementation sur carreaux de céramique présentant dragons et personnages en tenues traditionnelles. Ce bâtiment a d’ailleurs une longue histoire : annexé par les Japonais durant la Seconde Guerre mondiale, il devient ensuite un grand studio de cinéma. Dans les années 2000 il est réhabilité pour reprendre sa fonction première.

(Océanie)

« Roxy Community Theatre » à Leeton, Australie


Ne vous y trompez pas, malgré son nom, ce bâtiment est en réalité… un cinéma ! Construit en 1930, il combine plusieurs modes architecturales de l’époque. Cette fois-ci pas de lignes courbes mais plutôt des éléments naturalistes avec ce motif de vagues, évoquant un art nouveau dans la veine de l’espagnol Antoni Gaudi. Côté art déco, épuration et lignes droites sont au rendez-vous. Avec ce blanc laiteux, on pourrait confondre sa façade avec une villa méditerranéenne. Seules les lettres en néon se démarquent dans une affirmation écarlate, et donnent même son surnom à l’édifice : “The Big Red” (le Grand Rouge). En 1977, il est sauvé de la destruction par les habitants de la localité, qui organisent pour l’occasion une grande levée de fonds. Quelques 40 ans plus tard, un plan de rénovation de plusieurs milliards de dollars australiens est en marche…

(Afrique)

Cathédrale Notre-Dame de l’Immaculée Conception à Maputo, Mozambique

De l’autre côté de l’océan Indien, en 1944, la tendance Art déco est encore bien présente. Simple dans ses matériaux – béton et ciment – cette cathédrale n’en est pas moins splendide ! Parfaitement symétrique, sa tour d’horloge est flanquée par deux ailes identiques. Sa blancheur capte la lumière tandis que ses vitraux reproduisent le même motif géométrique et délicat. D’affiliation reconnue à l’église Notre-Dame du Raincy réalisée par Auguste Perret, sa forme générale évoque presque une fusée. Était-ce intentionnel ? Mystère ! C’est en tout cas définitivement un objet qui vise les cieux.

Musée national Zabana à Oran, Algérie

Ce musée est construit à Oran en 1935 pour accueillir la riche collection d’antiquités de Louis Demaëght, cumulée alors depuis près de 50 ans. Côté architecture, les influences sont nettement méditerranéennes, avec cette façade basse et rectangulaire et l’usage du bleu sur les linteaux. Mais où est l’art déco ? On retrouve la tendance du moment dans ces lignes droites et marquées, ces motifs géométriques aux petites fenêtres de part et d’autre de la colonnade, mais surtout dans la symétrie ! Côté iconographie, l’hommage à l’Antiquité gréco-romaine est limpide avec ces colonnes ciselées et la mosaïque du fronton qui n’est pas sans rappeler celles de Pompéi ou d’Herculanum. Une belle entrée monumentale pour un édifice qui en impose, autant par son apparence que pour son intérieur.

(Amérique du Sud)

La tour Acaiaca à Belo Horizonte, Brésil

Cette tour massive ne vous évoque pas particulièrement l’art déco ? Pourtant, le Brésil en est l’un des plus fervents promoteurs. Lignes droites, distribution géométrique, ornementation épurée : tous les ingrédients sont là. Comme souvent lorsqu’une mode architecturale voyage, elle est adaptée aux goûts locaux. Ici, deux piliers sculptés en têtes d’indigènes s’installent de part et d’autre de la façade. D’ailleurs, c’est une légende indienne qui donne son nom au bâtiment, Acaiaca. Érigé en 1943, il a gardé quelques années le titre de plus haut gratte-ciel de la région. Abri antiatomique, cinéma, magasin, discothèque, école, siège de télévision… ce monument est depuis lors au centre de la vie de Belo Horizonte, une importante métropole à quelques 400km de Rio de Janeiro, capitale du pays.

(Amérique du Nord)

« Hope Memorial Bridge » à Cleveland, États-Unis

L’art déco a traversé le monde jusqu’au moindre coin de certaines villes. Ici, ce sont les piliers de ce pont de Cleveland qui en font l’expérience en 1932. Nommés les « gardiens du trafic », ces figures rappelant celles de l’Antiquité et sculptées dans la pierre par Henry Hering s’imposent sur quelques 30 mètres de hauteur. On retrouve sans surprise quelques préceptes art déco vus dans les précédents bâtiments : monochromie, symétrie et motifs répétitifs. Mais cette intégration dans une représentation naturaliste est plus rare, et n’est pas sans évoquer le Christ rédempteur de Rio, dans un registre différent. Bien qu’incontestablement plaisants à l’œil, ces haut-relief ont frôlé la destruction dans les années 1970, jugés « trop exubérants » voire « monstrueux ». Cette controverse les a finalement plutôt mis en lumière, et le pont rejoint le registre national des lieux historiques en 1976.

Maison Ernest-Cormier à Montréal, Canada

Pour finir ce petit tour du monde, glissons-nous en catimini dans la maison de l’architecte québécois Ernest Cormier. Formé à Paris, c’est sûrement là qu’il entre en contact avec la mouvance art déco. Lorsqu’il retourne à Montréal, il met en application ses principes, d’abord dans l’Université de Montréal dès 1926, puis au cœur même de sa propriété en 1931. En deux blocs distincts, Cormier reprend la disposition symétrique typique de la tendance. Une façade en pierre sobre ornementée de lignes droites et de légers éléments décoratifs : un haut-relief anthropomorphe au-dessus du porche, et des bandes de motifs végétaux dans la prolongation de la longue fenêtre. À l’intérieur, un décor chaleureux composé de matières nobles – marbre, bois, cuir – prolonge la promenade géométrique au cœur de ce style bien marqué. Car l’art déco, c’est dehors comme dedans : voilà un art total !

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Écrit par Pauline ILLA - Voir tous ses articles