Si René Magritte est une figure importante du surréalisme, il cultive un style bien à lui. Grâce à des motifs comme la pomme, qu’il reprend tout au long de sa carrière, il va construire une autre vision de la réalité, comme le rappelle son œuvre emblématique Le fils de l’homme.
Les débuts du maître des énigmes
Né en 1898 à Lessines dans le Hainaut, René François Ghislain Magritte est le fils de Léopold Magritte, un tailleur, et de Régina Bertinchamps, une modiste. Il grandit à Châtelet en Belgique, où il suit des cours de dessin dès l’âge de 12 ans auprès de Félicien Defoin, il y réalise ses premières toiles. Alors qu’il n’a que 14 ans, il perd sa mère d’un suicide en 1912.
Ce drame pousse la famille à quitter la ville pour Charleroi l’année suivante, l’éducation des enfants est alors confiée à une gouvernante, future épouse de leur père. Magritte y poursuit médiocrement ses études et crée des petits films animés grâce à un appareil Pathé, cadeau de son père. Lors d’une balade improvisée à la foire de la ville, il rencontre une jeune fille, Georgette Berger, qu’il perdra de vue jusqu’après la guerre de 14-18 avant de l’épouser en 1922.
La région est rapidement occupée par l’armée allemande. Il fuit s’installer à Bruxelles, non loin de l’Académie royale des Beaux-Arts où il projette d’étudier. Jusqu’alors Magritte réalise des huiles sur toile dans un style impressionniste mais intègre par la suite le mouvement Dada qui est ravi d’accueillir son esprit farceur voire moqueur. René Magritte quitte la Belgique pour approfondir ses connaissances artistiques dans la capitale française.
Surréalisme moqueur à la mode belge
À Paris, Magritte découvre André Breton et les surréalistes. Ce qui le frappe, c’est cette volonté de libérer l’esprit par l’art. Ce qui l’influence, ce sont les associations surprenantes d’objets qui n’ont rien à voir entre eux. Voilà ce qu’il ramène dans ses bagages lorsqu’il rentre s’installer définitivement en Belgique (où vous pouvez aujourd’hui admirer la plus vaste collection de ses œuvres d’art, au musée Magritte). Ce qu’il laisse derrière, c’est la psychanalyse qui semble si chère à ses contemporains Salvador Dalí et Max Ernst ; lui s’intéresse plutôt aux symboles, aux mythes des images. Même plusieurs années après son retour, il continue de construire ses œuvres selon des principes surréalistes.
Dans Le Fils de l’homme, peint à la fin de sa carrière, on voit un homme au chapeau melon, portant un costume sombre et une cravate rouge. Il se tient droit comme un i devant un muret. Derrière lui, le ciel et la mer grise se confondent. Tout paraît normal, à l’exception de cette pomme verte qui flotte au centre de la toile. Rien ne semble lier ces éléments entre eux. Bizarre… Le mystère reste entier.
Bizarre cette pomme, mon cher Magritte
Le mystère et le décalage, voilà justement ce qui intéresse Magritte. Ce n’est pas tant cette pomme presque trop parfaite qui nous intrigue. C’est l’endroit où elle est placée : devant le visage de l’homme au chapeau. Elle le masque presque totalement, seul l’œil gauche se devine. Serait-ce un autoportrait ? Impossible de le savoir… Chez Magritte, l’homme au costume sombre, le chapeau melon, le ciel bleu plein de nuages et la pomme sont des motifs récurrents. Leur but : bousculer notre perception de la réalité.
Ici, Magritte joue sur ce qu’il montre et ce qu’il cache. Il nous montre la pomme mais nous cache le visage. Voilà de quoi attiser notre curiosité… Face à cette toile mystérieuse, toutes les interrogations et toutes les interprétations sont permises. En nous cachant un détail, Magritte nous dévoile en fait un océan de possibilités !
Un artiste à part chez les surréalistes
La peinture de Magritte présente des points communs avec celle des autres surréalistes. Cependant, il a un style unique. S’il aime bousculer les idées reçues, surprendre et même parfois choquer, il le fait de façon très académique. Plutôt que de travailler la technique, il préfère travailler le sujet. Ici, plus que le traitement de la pomme, c’est l’emplacement de la pomme qui compte.
Sa manière de peindre est très lisse, sa touche presque neutre tant elle est à peine visible. Comme si Magritte avait effacé toute trace de sa présence, pour laisser plus de place aux objets. Au lieu de se concentrer sur la touche du peintre, le spectateur se concentre sur l’image.
Si Le Fils de l’homme surprend autant, c’est parce que comme dans presque toutes ses toiles, les motifs sont traités de façon extrêmement précise. Le fondu du ciel, les rainures du mur, le feutre du chapeau, tout cela semble si réel… et pourtant si étrange à la fois. Voilà la marque de fabrique de Magritte. Faire du surréalisme de façon réaliste !
La Trahison des images et autres œuvres de René Magritte à découvrir
La Trahison des images, aussi connue sous le nom This Is Not a Pipe, montre le goût de Magritte pour les jeux autour des mots. Encore une fois, l’artiste joue sur le décalage qui existe entre la représentation d’un objet et l’objet en lui-même. Bien évidemment que ceci n’est pas une pipe… c’est un tableau !
Golconde nous montre plein d’hommes, tous vêtus de costumes sombres et de chapeaux melons. Ils pourraient aussi bien être en train de tomber tels des gouttes de pluie que de flotter comme des ballons. Difficile de croire que ce que nous voyons n’est pas la réalité ; pourtant des hommes volants, ça surprend.
Les Amants, un baiser iconique de l’histoire de l’art. Ici, une barrière de tissu s’interpose et empêche l’étreinte intime entre deux amants. Toutefois, ils semblent peu perturbés par les draps qui enveloppent leurs visages.
La Condition humaine affiche un chevalet placé à l’intérieur d’une pièce et devant une fenêtre. Seulement, où est-ce que la peinture commence et où se termine-t-elle ? C’est assez difficile à savoir. Le tableau se fond en effet parfaitement dans le paysage en retraçant les lignes de l’herbe et en complétant les nuages.
Émilie Martin-Neute
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