Si René Magritte est une figure importante du surréalisme, il cultive un style bien à lui. Grâce à des motifs qu’il reprend tout au long de sa carrière, il va construire une autre vision de la réalité, comme le rappelle l’œuvre emblématique Le fils de l’homme.
Surréalisme à la mode belge
À Paris, Magritte découvre André Breton et les surréalistes. Ce qui le frappe, c’est cette volonté de libérer l’esprit par l’art. Ce qui l’influence, ce sont les associations surprenantes d’objets qui n’ont rien à voir entre eux. Voilà ce qu’il ramène dans ses bagages lorsqu’il rentre s’installer définitivement en Belgique (où vous pouvez aujourd’hui admirer la plus vaste collection de ses œuvres, au musée Magritte). Même plusieurs années après son retour, il continue de construire ses œuvres selon des principes surréalistes.
Dans Le Fils de l’homme, peint à la fin de sa carrière, on voit un homme en chapeau melon, portant un costume sombre et une cravate rouge. Il se tient droit comme un i devant un muret. Derrière lui, le ciel et la mer grise se confondent. Tout paraît normal, à l’exception de cette pomme verte qui flotte au centre de la toile. Rien ne semble lier ces éléments entre eux. Bizarre… Le mystère reste entier.

Bizarre, mon cher Magritte
Le mystère et le décalage, voilà justement ce qui intéresse Magritte. Ce n’est pas tant cette pomme presque trop parfaite qui nous intrigue. C’est l’endroit où elle est placée : devant le visage de l’homme au chapeau. Elle le masque presque totalement, seul l’œil gauche se devine. Chez Magritte, l’homme au costume sombre, le chapeau melon, le ciel nuageux et la pomme sont des motifs qui reviennent fréquemment. Leur but : bousculer notre perception de la réalité.
Ici, Magritte joue sur ce qu’il montre et ce qu’il cache. Il nous montre la pomme mais nous cache le visage. Voilà de quoi attiser notre curiosité… Face à cette toile mystérieuse, toutes les interrogations et toutes les interprétations sont permises. En nous cachant un détail, Magritte nous dévoile en fait un océan de possibilités !
Un art à part
La peinture de Magritte présente des points communs avec celle des autres surréalistes. Cependant, il a un style unique. S’il aime bousculer les idées reçues, surprendre et même parfois choquer, il le fait de façon très académique. Plutôt que de travailler la technique, il préfère travailler le sujet. Ici, plus que le traitement de la pomme, c’est l’emplacement de la pomme qui compte.
Sa manière de peindre est très lisse, sa touche presque neutre tant elle est à peine visible. Comme si Magritte avait effacé toute trace de sa présence, pour laisser plus de place aux objets. Au lieu de se concentrer sur la touche du peintre, le spectateur se concentre sur l’image.
Si Le Fils de l’homme surprend autant, c’est parce que comme dans presque toutes ses toiles, les motifs sont traités de façon extrêmement précise. Le fondu du ciel, les rainures du mur, le feutre du chapeau, tout cela semble si réel… et pourtant si étrange à la fois. Voilà la marque de fabrique de Magritte. Faire du surréalisme de façon réaliste !
Émilie Martin-Neute