De drôles de portraits composés qui apportent votre dose quotidienne de fruits et légumes, c’est ce qui fait toute la réputation d’Arcimboldo ! Ouvrez grand les yeux afin de repérer tous les détails qui construisent ces visages inattendus. On vous dit tout sur ce peintre italien de la Renaissance en 5 minutes top chrono !
Qui est le peintre Giuseppe Arcimboldo ?
Giuseppe Arcimboldo est né à Milan vers 1527 et serait issu d’une famille de peintres. Toutefois, aucun document ne peut confirmer qu’il a été formé par eux. Alors qu’au XVIe siècle l’art a déjà été porté à ses sommets par Léonard de Vinci et Michel-Ange, Arcimboldo s’apprête à tout chambouler et marquer une rupture avec la pensée classique.
Il fait ses armes dans la cathédrale de Milan en réalisant les cartons de vitraux et les décorations murales aux côtés de son père Biagio Arcimboldo. Cela lui vaut d’être vite repéré, il reçoit ainsi de prestigieuses commandes. En 1562, il est appelé à la cour de Prague par le futur empereur Maximilien II de Habsbourg, fils de l’empereur Ferdinand Ier. Arcimboldo passe alors au service de la maison autrichienne en tant que portraitiste de la famille impériale.
Il est d’ailleurs nommé conseiller artistique et a comme tâche principale d’enrichir les fameuses collections impériales, cabinets de curiosités de Maximilien II et Rodolphe II. L’empereur Rodolphe II et son amour des arts et des sciences permettront à l’artiste de poursuivre la création de tableaux rendant hommage à la beauté et la diversité du monde naturel. Giuseppe Arcimboldo est également commissionné pour imaginer divers évènements. Il invente décorations, costumes, masques…
Toutefois, c’est pour ses “têtes composées” que Giuseppe Arcimboldo restera gravé dans l’histoire de l’art. Très vite, l’empereur s’éprend de ces curieuses peintures qui apparaissent comme un astucieux collage de fruits, légumes, animaux et objets divers. On reconnaît là le style de l’école des maniéristes, à laquelle Arcimboldo appartient. Un jeu de perception, d’allégorie : le maniérisme est un art de cour princière. Il s’agit de rendre honneur au souverain qui commandite l’œuvre, œuvre pensée pour n’être comprise que par les plus érudits de l’époque.
Un temps oublié après sa mort, Giuseppe Arcimboldo connaîtra un renouveau au XXe siècle, porté par les surréalistes qui admirent cette audace inventive et cet esprit éclairé.
Les trois cycles emblématiques d’Arcimboldo
Le peintre maniériste était connu pour ses portraits composites innovants, des natures mortes qui sous les bons yeux attentifs laissent entrevoir des personnages à l’apparence bien vivante. Étudions-en quelques-uns ensemble.
Les Quatre Saisons
Arcimboldo a réalisé sa première série de quatre peintures autour des saisons. Débutée vers 1563, cette collection est destinée à l’empereur Ferdinand Ier et son fils Maximilien II.
Chaque tableau est formé de plusieurs fruits et légumes pour créer des images surprenantes : des portraits imaginaires représentant les saisons et le renouveau de la nature. Les traits du visage sont suggérés par des végétaux… incroyable non ?
À travers ses portraits, Giuseppe Arcimboldo fait une allégorie : chaque saison représente une période du cycle de la vie. Les bourgeons explosent et les feuilles poussent, c’est bien le printemps qui accompagne l’enfance. Cette période de douce découverte laisse place à la chaleur et la frénésie de l’été et l’adolescence au soleil. Arcimboldo représente le passage à la vie adulte avec l’automne et ses feuilles qui dorent. Enfin, les branches se défont progressivement de leurs feuilles en hiver, c’est la vieillesse.
Et ça se répète. Par cette image, les Saisons font aussi écho à la puissance de la dynastie des Habsbourg. L’abondance de fruits et de légumes symbolise la richesse de la famille impériale. Ce cycle éternel des saisons, lui, sert à rappeler que la maison est solide et qu’elle occupe le trône du Saint-Empire romain germanique de manière quasi ininterrompue.
Les Quatre Éléments
Les Éléments ont été offerts à l’empereur Maximilien à la même occasion que les Saisons en 1573. Cette fois, ce ne sont pas de fruits que les portraits sont formés mais bien d’animaux et d’objets. Arcimboldo est très fort encore une fois.
L’Air laisse à voir un nombre gigantesque d’espèces d’oiseaux, si nombreux qu’il est difficile de les compter ! Coq, perruche, chouette, ou encore paon et aigle, qui font partie des armoiries de la maison. La Terre rassemble mammifères terrestres européens ou exotiques : le renard et sa subtilité, le lièvre et sa témérité, l’éléphant et sa pudeur, le lion et sa puissance… que de qualités que Maximilien semble détenir. La peau de lion fait aussi référence au lion de Némée vaincu par Hercule dont les Habsbourg prétendaient descendre.
L’Eau, lui, est formé de multiples créatures marines et porte des bijoux de perles blanches, qui rappellent discrètement la richesse de l’empereur. Quant au Feu, la salamandre n’était pas un animal bien connu à l’époque, c’est pourquoi il est fait de cire, mèche et chandelier avec une chevelure enflammée ! Ce feu destructeur, le feu de la guerre qui évoque une époque où Maximilien combattait Soliman le Magnifique, témoigne de toute la puissance militaire de l’empereur.
La série des Éléments est liée à celle des Saisons. En effet, les tableaux étaient accompagnés d’un poème de Giovanni Battista Fonteo qui tisse les liens entre les œuvres : “L’Été est chaud et sec comme le Feu. L’Hiver est froid et humide comme l’Eau. L’Air et le Printemps sont tous deux chauds et humides et l’Automne et la Terre sont tous deux froids et secs”. Ce texte invite à observer les tableaux avec un œil nouveau. Ainsi considérés en binômes, face-à-face, on découvre que les portraits de chaque saison semblent regarder ceux qui représentent l’élément auquel ils sont associés.
La Cour des Habsbourg
Réalisée entre 1566 et 1570, cette série n’a pas vraiment de nom et elle fut peinte pour plaire à l’empereur Maximilien II. Chaque portrait met en scène un des employés et courtisans de séjour à la Cour.
Giuseppe Arcimboldo utilise alors les objets caractéristiques qui résument à eux seuls les métiers qu’ils exercent. Le Bibliothécaire est fait de multiples livres, marques-pages et signets à pompon que l’on peut trouver dans ses étagères. Le sujet représenté pourrait être Wolfgang Lazius, collectionneur chargé de la conservation des manuscrits précieux de l’empereur. Pour Le Sommelier, rien de mieux qu’une barrique, un fausset et une aiguière. De la viande constitue Le Cuisinier et des légumes d’hiver Le Jardinier : seulement faut-il avoir la tête à l’envers pour les apercevoir !
Le Juriste, lui, est une pile de paperasse. C’est pourtant le visage déformé fait de volaille et de poisson qui aide à identifier Johann Ulrich Zasius. Il est certain que ce portrait comique a été extrêmement bien accueilli par la Cour.
Les peintures de Giuseppe Arcimboldo sont donc bien plus que des portraits caricaturaux, ce sont des éloges subtils à l’empereur. Des rébus, des jeux intellectuels qui ne sont pas déchiffrables par tous. Une autre manière habile de le flatter !
Où voir les œuvres d’art d’Arcimboldo ?
Les quatre incontournables de la collection des Saisons sont aujourd’hui conservés au Musée du Louvre. En bonus, vous pourrez découvrir à la National Gallery de Washington l’oeuvre Quatre Saisons en une seule tête, un mélange stupéfiant des quatre portraits ! Une grande partie de ses œuvres se trouvent au Kunsthistorisches Museum de Vienne.
Les autres peintures d’Arcimboldo sont réparties un peu partout dans le monde. Voici une sélection de musées à travers l’Europe où il est exposé :
- le Nationalmuseum, à Stockholm
- la Galerie des offices, à Florence
- la Galerie Národní, à Prague
- le Musée Civico Ala Ponzone, à Crémone
- l’Académie royale des beaux-arts Saint-Ferdinand, à Madrid
- le Palazzo Rosso, à Gênes
À ne pas manquer en 2024
Arcimboldo sera la vedette de la nouvelle Galerie du temps du Louvre-Lens. Le musée accueillera les si célèbres Saisons pour quelques années. Petite anecdote : il ne s’agit pas des originaux ; Giuseppe Arcimboldo réalisa une autre série des Quatre Saisons en 1572 et 1573 à la commande de Maximilien de Habsbourg pour être offert à Auguste de Saxe.
Rendez-vous le 4 décembre 2024, jour de la Sainte-Barbe, pour célébrer le douzième anniversaire du musée.
Vous souhaitez en savoir plus sur cet artiste et ses étonnants portraits composés ?