Qui est Chiharu Shiota ?
Chiharu Shiota est née à Osaka en 1972 et a grandi à Kishiwada au Japon. Après avoir étudié la peinture à l’huile au département d’art de l’université Kyoto Seika, elle voyage à Canberra, en Australie, entre 1992 et 1996, où elle réalise ses premières performances et installations.
Lors de son arrivée en Europe, elle étudie à Berlin auprès de Marina Abramović, reconnue comme une pionnière de l’art de la performance. Une expérience qui motive Chiharu Shiota à s’installer définitivement dans la ville et à continuer d’innover dans les arts corporels, de l’installation et de la performance. Depuis 20 ans, la plasticienne a présenté ses œuvres lors de plus de 300 expositions et événements dans le monde entier. Comme au Grand Palais, à Paris, où elle a installé son univers poétique et sensible…
En rouge et noir, l’art du tissage, créateur de liens
Au cœur de la production de Chiharu Shiota, une question complexe revient : comment créer des liens entre les objets présents dans les œuvres, entre l’œuvre et les visiteurs, entre elle et nous ?
Avec un médium, le fil, et deux couleurs, le rouge et le noir, l’artiste japonaise tisse un début de réponse : « Le noir évoque toute l’étendue de cet univers profond, et le rouge, les fils qui relient une personne à une autre, mais aussi la couleur du sang ».
D’abord le noir. Symbole de l’espace qui nous entoure, cette couleur relie les objets dans les œuvres de l’artiste, pour permettre une meilleure immersion dans ses expositions. Ensuite le rouge. Comment ces fils pourraient-ils relier une personne à une autre dans ces installations monumentales ? L’artiste se réfère ici à une croyance asiatique, qui voudrait qu’un fil rouge unisse dès la naissance les personnes destinées à être ensemble. Ses œuvres visent ainsi une interconnexion entre les individus, en la matérialisant par ces fils de couleur rouge.
Mais alors, le noir et le rouge, ensemble, ça donne quoi ? Le noir figurant l’univers et le rouge, le sang, leur combinaison évoque le microcosme qu’est notre corps pris dans l’immensité de l’univers. En tant que microcosme, notre corps est dans le même temps un ensemble de cellules qui constitue aussi notre environnement, avec lequel nous sommes en symbiose.
Une installation qui prend de la place
Les installations de Chiharu Shiota questionnent les liens du corps à l’espace, et s’installent ainsi de manière monumentale dans les musées et galeries du monde entier. Dans ces amas de fils de laine entrelacés, spécialité de l’artiste depuis les années 1990, le visiteur doit trouver son chemin, mais surtout sa place. Ce sont même de véritables espaces de vie, agrémentés d’objets du quotidien (comme une simple chaise de bureau) enveloppés dans ce tissage noir et rouge.
Ne s’arrêtant pas à l’art de l’enchevêtrement qui a su la faire connaitre du grand public, elle utilise aussi la sculpture, la photographie, la vidéo et le dessin pour exprimer sa manière de voir la temporalité et la mémoire.

Pourquoi les œuvres de Chiharu Shiota sont uniquement éphémères ?
Ces œuvres complexes et longues à réaliser ne sont que temporaires… Chiharu Shiota admet même que les fils sont jetés après l’exposition. Un geste qui n’est pas anodin, et fait partie de sa démarche artistique. Au-delà du corps et de l’espace, les installations de la plasticienne explorent aussi les notions de temporalité, à travers la mémoire. C’est d’ailleurs dans celle des spectateurs que les œuvres continuent de vivre. Un écho aux questions sur la vie et la mort, et à notre présence éphémère sur Terre.
Les grands thèmes dans les expositions de Chiharu Shiota
L’artiste japonaise Chiharu Shiota explore les notions de mémoire et de rêve dans un premier temps, mais aussi des concepts universels tels que l’identité ou l’exil. On les retrouve de manière récurrente dans ses nombreuses expositions.
Souvenirs immatériels
L’idée qu’il serait plus simple de transmettre la mémoire par un objet durable est totalement contrée par Chiharu Shiota. Préférant dépasser le support matériel d’un tableau, elle tisse aujourd’hui pour exprimer ce qu’elle ne peut représenter sur une feuille, privilégiant l’éphémère que lui permettent ses installations. L’immatériel passe, par exemple, par l’accumulation de souvenirs, qui ne sont pas forcément les siens, comme dans des œuvres participatives telles que The key in the hand.
L’immatériel, ce sont aussi nos émotions, comme l’anxiété. Cette dernière peut être ressentie par le visiteur face à la vue d’un cocon de fils, comme avec State of being (Children’s chair) : une installation qui crée une sensation d’étouffement et d’enfermement. L’immersion dans les œuvres de l’artiste Chiharu Shiota est à la fois mentale et corporelle.

© Annie Guilloret
La question de l’identité
Chacun a une identité et le meilleur moyen de l’exprimer, selon l’artiste japonaise, c’est par le principe de « seconde peau ». C’est ce qui exprime qui nous sommes, dans notre environnement immédiat, mais aussi après notre disparition : que laisse-t-on derrière nous, comme se souvenir de notre existence ? Et cette idée, elle l’explore avec sa robe dans l’exposition « Memory under the Skin », tenue du 24 mai au 22 juillet 2023 à la galerie Templon Grenier à Saint-Lazare (Paris).
Pour Chiharu Shiota, le vêtement peut incarner cette seconde peau. Alors, si on nous impose une tenue identique, qu’est-ce qui nous différencie et nous rend unique ? C’est avec ses longues robes blanches que l’artiste semble se jouer des codes : symbole d’une féminité passée, d’une tradition imposée, elles peuvent aussi évoquer le milieu hospitalier, et réveiller une forme d’angoisse chez le spectateur. L’ambiguïté se fait autour de cette ombre féminine. Mais ici, Chiharu Shiota propose une robe tachée de rouge. Le sang, pour la plasticienne japonaise, symbolise les individus. C’est l’histoire de ces derniers qui gorge le vêtement de la mémoire, et fait écho au titre de l’exposition « Mémoire sous la peau ».
Aux frontières du réel
La question de frontière est centrale dans la production artistique de Chiharu Shiota. Courte est la liste des objets entremêlés que nous pouvons retrouver dans le travail de l’artiste : chaises, robes, mais aussi et surtout des barques et des valises. L’artiste représente, dans chaque exposition, une installation qui convoque les sujets de l’exil, du voyage ou de notre dépendance à nos racines.
On retrouve dans « The Soul Trembles », exposition consacrée à Chiharu Shiota au Grand Palais, les œuvres Uncertain Journey et Accumulation – Searching for the Destination. Dans la première, créée en 2016, l’artiste nous fait naviguer, comme à son habitude, sur des questions métaphoriques. Le bateau serait l’allégorie du voyage, mais aussi d’une destinée aveugle où il n’est pas possible de s’amarrer. Les barques qu’elle a elle-même forgées montrent ses qualités artisanales.

Où voir les œuvres de Chiharu Shiota ?
Depuis le 11 décembre 2024 et jusqu’au 19 mars 2025, retrouvez Chiharu Shiota au Grand Palais à Paris avec l’exposition « The Soul Trembles » (sur réservation). L’évènement immersif est co-organisé par le GrandPalaisRmn et le Mori Art Museum de Tokyo. Cette exposition est la plus importante jamais consacrée à l’artiste, avec sept installations à grande échelle mais aussi des vidéos de performance et des documents d’archives. L’artiste est notamment connue pour ces expositions « in situ » à travers le monde et à la Galerie Templon qui la représente à Paris.
En complément, quelques autre musées ayant dans leurs collections des œuvres de Chiharu Shiota :
- Art Gallery of South Australie, Adelaide, Australie
- Detached, Hobart, Tasmania, Australie
- Centre Pompidou, Paris, France
- Fukuoka Asian Art Museum, Fukuoka, Japon
- Mori Art Museum, Tokyo, Japon

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