Tout Caravage en une oeuvre

Prenez un sujet religieux, ajoutez-y une bonne dose de réalisme, un savant mélange de lumière et d’ombre et un soupçon de couleurs… C’est avec ces ingrédients que le grand peintre Caravage ne cesse de nous surprendre.

Gros plan sur l’oeuvre de Caravage

Pour Caravage, un bon tableau doit être un tableau proche du spectateur. Dans tous les sens du terme. Voilà pourquoi, dans la plupart de ses compositions, il n’y a pas ou peu d’espace entre son sujet et nous. Dans son Saint Jean Baptiste, qu’il peint pour le collectionneur Ciriaco Mattei, seuls quelques centimètres nous séparent de son pied droit. En avançant la main, on pourrait presque l’attraper, non ?

Le corps jeune du saint forme un S, qui occupe toute la surface de la toile, en hauteur comme en largeur. Difficile par conséquent de se concentrer sur autre chose que sur lui. En comparant la toile avec la version qu’en donne un autre peintre de l’époque, Guido Reni, la différence est flagrante.

Dans son Saint Jean Baptiste, même si le saint est proche de nous, tout le haut de la toile est occupé par un ciel et de grands arbres. On a l’impression que le paysage compte autant que le personnage. Chez Caravage, vous ne trouverez jamais de paysage. Seul compte l’humain !

Guido Reni, Saint-Jean-Baptiste
Guido Reni, Saint Jean-Baptiste, 17e siècle. Huile sur toile, 157 x 113 cm. Nantes, Musée des beaux-arts.
Caravage, Saint Jean Baptiste
Caravage, Saint Jean Baptiste, vers 1602-1603. Huile sur toile, 129 x 95 cm. Rome, musée Capitolini.

Mi-saint, mi-garçon

Saint Jean Baptiste est une figure majeure de la Bible. Vêtu d’une peau de bête et armé d’un bâton, il parcourt la Terre promise pour baptiser les convertis. Il a même baptisé le Christ, c’est dire ! Mais ici, comme il a l’habitude de le faire, Caravage le représente avant tout comme un être humain. Il est assis sur une peau de bête mais ne la porte pas. Son manteau rouge lui sert de couverture.

Et son bâton ? Il semble réduit à cette branche sur laquelle repose son pied gauche. Pas même une auréole pour indiquer que c’est un saint. Si ce n’était le titre, on pourrait très bien croire qu’il s’agit du portrait d’un simple berger. On est loin de sa représentation traditionnelle, comme chez Guido Reni, où saint Jean Baptiste porte bien sa peau de bête et tient son bâton pour qu’il n’y ait aucun doute sur son identité.

Mais au-delà de l’absence d’accessoires, ce qui donne au personnage de Caravage son côté si humain, c’est surtout son sourire taquin et ses yeux rieurs. On dirait un jeune garçon innocent en train de s’amuser avec un animal.

Le clair-obscur sous les projecteurs

Fidèle à son fameux clair-obscur, c’est grâce à la lumière que Caravage sublime son sujet. Cet éclairage doré qui vient d’on ne sait où frappe le corps du saint, et souligne la précision et la technique du peintre.

Parce que la lumière illumine Jean Baptiste, elle plonge le reste du tableau dans la pénombre. Comme au théâtre, le clair-obscur nous pousse à nous concentrer sur le personnage, et rien d’autre. On est loin de la lumière naturelle, très classique et très uniforme de Guido Reni.

Côté couleurs, Caravage n’utilise que des blancs, des noirs et des rouges, comme s’il voulait être sûr que rien ne vienne nous distraire. Réaliser une toile si vibrante avec si peu de moyens, ce n’est pas donné à tout le monde. Pas étonnant que Caravage ait fasciné tant d’artistes après lui, jusqu’à Courbet, Manet et Cézanne !

Emilie Martin-Neute


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