Tout Jean-Michel Basquiat en une oeuvre

Notary, l’œuvre d’un artiste underground

Jean-Michel Basquiat s’initie à l’art par le dessin. Puis direction la rue, avec son ami Al Diaz : ils recouvrent les murs de New York de graffitis, sous le pseudonyme SAMO (Same old shit !). Quand Basquiat achève Notary en mars 1983, il a seulement 22 ans. Depuis peu, il délaisse la rue et ses graffitis pour se consacrer exclusivement à la peinture et au dessin.

Il vend ses premières œuvres à Andy Warhol et expose à ses côtés : le succès est immédiat. Basquiat peut alors approfondir son style et sa technique. Cela donnera lieu à des œuvres comme Hollywood Africans, Riding with death, Dustheads… Des œuvres qui battent aujourd’hui des records aux enchères, comme ce portrait qui a été vendu à 110 millions de dollars en 2017 !

Avec Notary, une œuvre monumentale, le peintre américain nous offre un concentré brut de son art. Tout y est : la force des couleurs, la superposition des surfaces, l’écriture qui envahit la toile et ses thèmes favoris. A priori un grand chaos, mais un chaos bien orchestré…

Notary de Jean-Michel Basquiat
Jean-Michel Basquiat, Notary, 1983. Acrylique, pastel gras et papier collé sur toile, montée sur châssis de bois, 180,5 x 401,5 cm. The Schorr Family collection ; dépôt au Princeton University Art Museum. © Photo : Archivart / Alamy.

Jean-Michel Basquiat ou l’esthétique du bricolage

L’œuvre se compose de trois toiles réunies. Si vous observez les angles et les jointures, vous verrez apparaître le pourtour des toiles, le châssis. Chez Basquiat, il n’y a pas que les personnages dont on peut voir le squelette : celui des tableaux aussi !

En creusant un peu, vous verrez que la toile elle-même est bricolée. Souvent, l’artiste recouvre entièrement ses dessins et ses textes avec de nouveaux motifs. Ici, il a en plus collé des images imprimées puis peint par-dessus. C’est un peu comme le jazz de Charlie Parker qui pratiquait le « re-recording » en superposant plusieurs enregistrements.

Complètement barré !

La spontanéité, Basquiat en fait une règle d’or. Si vous vous promenez dans la toile, vous trouverez plusieurs mots qui ont été rayés : c’est le cas de Pluto ou de flesh. Ailleurs, vous discernerez, sous une peinture blanche dégoulinante, des lettres que le peintre a volontairement effacées. Quel désordre !

D’habitude, les artistes réservent les essais et les erreurs à leurs dessins préparatoires. Mais pour Basquiat, ces repeints et ces mots à demi effacés ont un sens. Il estime même qu’un mot rayé est plus visible, car cela attire notre attention.

Une galerie de symboles 

Fidèle à son habitude, Jean-Michel Basquiat multiplie les références antiques, avec cette épée en bronze ou cette référence au dieu romain des enfers, Pluto. Et comme souvent, on retrouve certaines mentions du billet de un dollar : This note for all debts

Dans un tout autre registre, amusez-vous à identifier les dents et les crânes, qui sont présents dans presque toutes ses œuvres. Ici, ils sont tous petits, mais les inscriptions dans la partie centrale et droite de l’œuvre sont elles aussi liées au corps et à la maladie. L’anatomie a toujours été une passion pour Basquiat.

Suivez le guide

Le centre de la toile est d’ailleurs occupé par un personnage dont le torse est transparent. Voyez sa colonne vertébrale orange, ses poumons verts et ce réseau nerveux rouge, jaune et blanc. Toutes les couleurs de la toile sont vives, denses, franches. Elles la rendent très vivante, malgré les fléaux inscrits sur le panneau droit : leeches, fleas, parasites (sangsues, puces, parasites)…

La partie gauche de l’œuvre renvoie quant à elle à une quête spirituelle, comme si l’artiste voulait nous guider quelque part. Une façon peut-être de nous dire qu’il détient, comme le dieu Pluton, la clef des mondes souterrains…

Catherine Gimonnet


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