Tout Piet Mondrian en une oeuvre

Fervent défenseur de l’art abstrait, le peintre Piet Mondrian a révolutionné l’art moderne. Lui et ses amis du courant artistique De Stijl ne cherchent plus à représenter le monde à travers des paysages ou des portraits. Avec leurs compositions géométriques et leurs couleurs primaires, ils veulent créer une autre forme de beauté…

Réalisée à Paris en 1922, cette œuvre de Mondrian est emblématique du style qu’il développe alors. Une œuvre déroutante : c’est vrai, difficile de se repérer dans cet étrange labyrinthe géométrique ! Une petite visite guidée s’impose…

Peinture de Piet Mondrian, Tableau 2, avec jaune, noir, bleu, rouge et gris, réalisé en 1922
Piet Mondrian, Tableau 2, avec jaune, noir, bleu, rouge et gris, 1922. Huile sur toile, 55,6 x 53,4 cm. © New York, Solomon R. Guggenheim Museum.

Vous avez dit art abstrait ?

« Ça ne ressemble à rien ! » pourriez-vous penser. Oui, cette peinture ne ressemble à rien d’autre qu’à elle-même. Vous ne connaissez certainement rien dans la nature qui soit semblable à ces surfaces blanches et colorées. Vous vous demandez peut-être même s’il s’agit bien d’un tableau : le but de la peinture n’est-il pas d’imiter la réalité ?

C’était peut-être ce que beaucoup pensaient jusqu’à la fin du 19e siècle. Mais vers 1915, inspirés par le cubisme de Picasso et Braque, quelques peintres modernes comme Mondrian inventent l’abstraction et vont tout simplement décider de « déconstruire la peinture ». Pourquoi ? C’est ce que nous allons voir.

La valse des couleurs de Mondrian

Fidèle à ses principes, Mondrian n’utilise que les trois couleurs primaires ainsi que le noir et le blanc. Ici, il accorde beaucoup de place au blanc. Si bien que les petits rectangles jaune, rouge, bleu et noir semblent repoussés vers le bord de la toile.

Mais tout ce blanc peut également nous faire ressentir un grand calme, comme un silence, tout juste ponctué de quelques notes colorées autour de lui. Bref, par la simple combinaison de quelques couleurs, Mondrian arrive à créer des sensations fortes. Et si vous observez d’autres œuvres de cette période, vous constaterez qu’il a travaillé toutes les combinaisons possibles, donnant tantôt plus de place à la couleur, ou l’éliminant parfois complètement. Pour créer, à chaque fois, des impressions différentes…

La fin de la perspective

Habituellement, dans un tableau, le peintre crée une scène qui semble être en trois dimensions : c’est ce qu’on appelle la perspective. Mondrian, lui, fait tout pour éviter cette impression de profondeur. Logique, pour quelqu’un qui ne veut plus copier le monde : sans profondeur, pas de perspective, et donc pas d’illusion qu’il s’agisse bien d’une scène réelle.

On peut toujours imaginer que le grand carré blanc, au centre, est comme un puits sans fond, mais rien dans le tableau n’est fait pour nous donner cette impression. Tout est plat ! Cependant, tout est aussi parfaitement équilibré. La toile tourne autour de ce grand carré blanc, auquel fait écho un carré noir de plus petite dimension, et autour duquel gravitent les trois rectangles de couleur qui, eux, ont une forme allongée. Rien n’est symétrique et pourtant, quelle harmonie !

Les lignes directrices de Mondrian

Entrons maintenant dans le tableau pour suivre le réseau de ses lignes noires. Une histoire prouve à quel point elles sont essentielles pour Mondrian. Au milieu des années 1920, il se brouille avec son ami du groupe De Stijl, Theo van Doesburg, parce que ce dernier avait utilisé des lignes diagonales ! Quelle intransigeance, n’est-ce pas ?

Mais c’est que le langage artistique de Mondrian est le fruit d’une longue réflexion. Lorsqu’il franchit le cap de l’abstraction, Mondrian a déjà 42 ans et une longue carrière de peintre derrière lui (il a d’ailleurs eu des débuts tout à fait réalistes ). C’est donc un choix délibéré et mûrement réfléchi. Pourquoi se lance-t-il dans une telle révolution ?

Mondrian ne veut pas représenter le monde qui l’entoure, mais la structure du monde, l’équilibre des choses entre elles. Voilà pourquoi il ne veut plus rien peindre qui puisse sembler particulier. Ce qui l’intéresse, c’est l’universel. Il estime que cela doit permettre aux hommes de vivre plus harmonieusement. Son abstraction géométrique est finalement plus ancrée dans la réalité qu’on ne pourrait le croire !

Catherine Gimonnet


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