La restauration de fresques anciennes du Palais de Monaco en 4 questions

Le rocher de Monaco est un lieu d’échange et de commerce depuis l’Antiquité. Conquis en 1297 par François Grimaldi, un noble italien originaire de Gênes, le port devient peu à peu un lieu de prestige. Au 16e siècle, la citadelle devient palais, et au 17e, les Grimaldi obtiennent le titre de maison princière d’Europe. C’est ainsi que Monaco devient une entité souveraine, tout en perpétuant ses liens avec les pays voisins, notamment l’Italie et la France.

Le Palais de Monaco, toujours habité par la famille princière actuelle, est donc en constant entretien pour la vie quotidienne et diplomatique. Alors que des peintres travaillent sur la façade de la Régie en 2015, dont une partie de la décoration s’effrite, ils semblent reconnaître des motifs plus anciens sous les couches de peinture, peints directement sur l’enduit du mur. Curieux, le Prince Albert II lance rapidement des investigations approfondies, qui s’avèrent très fructueuses en l’espace de quelques semaines. On trouve des traces de fresques anciennes dans d’autres pièces de la maison… et c’est ainsi que démarre un grand chantier de restauration-conservation !

Qu’est-ce qu’une fresque ?

Ouvrez vos cahiers, un petit rappel ne fait jamais de mal ! Le mot fresque vient l’italien « fresco » qui signifie littéralement « frais ». Le terme fait référence à l’enduit tout fraîchement appliqué sur les murs – l’intonachino – qui va être peint encore humide. Une fresque est donc une peinture à même le mur, appliquée presque en même temps que la chaux blanche qui est censée le lisser. Si la méthode existe depuis l’Antiquité, elle redevient populaire à la Renaissance, alors que l’Europe redécouvre l’art des anciens Grecs et Romains. Monaco étant étroitement lié à l’Italie, du fait de sa proximité géographique, mais aussi une histoire familiale commune, il n’est pas étonnant que la mode atteigne son enceinte.

Comment ont-elles été datées ?

C’est grâce à l’œil expert d’historien·ne·s spécialisé·e·s de la période qu’une datation assez certaine a pu être établie à la Renaissance tardive, et ce dès le début des travaux. Comment ? Pour chaque période et chaque localisation, des séries de motifs similaires peuvent être identifiés de manière récurrente. Au Palais de Monaco, c’est la présence de ces petits « grotesques » – des personnages aux formes étranges généralement issus du folklore mythologique – qui a permis une première estimation.

Mais au fur et à mesure des recherches, certaines données plus concrètes se sont révélées… Il y a quelque part dans les dessins un phylactère, c’est-à-dire une sorte de parchemin déroulé, qui indique la date de 1552. Cela peut être la date d’achèvement de la fresque, ou de début, ou même simplement de travaux en cours. Les experts ne pensent pas qu’il s’agisse d’une antidate – une fausse date apposée pour donner l’impression d’une œuvre plus ancienne qu’elle ne l’est vraiment. Par ailleurs, un document retrouvé dans les archives du Palais indique le paiement d’un peintre génois en 1547. La méthode de la fresque s’étant redéveloppée en Italie à cette époque, l’emploi d’un peintre de la péninsule ne relève probablement pas d’une coïncidence.

Comment ont-elles été reconstituées ?

Les siècles n’ont pas été tendres avec ces fresques. Les repeints successifs ont fini par perdre une partie des dessins, soit parce qu’ils avaient été grattés, soit parce que les peintures utilisées sur les couches supérieures – à l’huile ou à la tempera – n’étaient pas compatibles avec la peinture à l’eau de la fresque et l’ont amené à se désagréger. Les scientifiques spécialistes de l’art en charge de la restauration n’ont pas souhaité dissimuler les dégâts du temps, comme cela était courant dans la pratique depuis le 19e siècle*. Iels ont donc dégagé toutes les traces de peinture les plus récentes, et ont ensuite procédé de deux manières après avoir atteint la couche d’origine :

  • Soit le dessin était assez conservé pour être légèrement repeint grâce à des aquarelles écoresponsables ;
  • Soit il était trop endommagé, voire disparu. Dans ce cas, des peintres spécialisés ont recréé le motif en camaïeu de rouge, comme dans la Chambre dite d’Europe, pour créer une continuité dans la frise.

De quoi permettre aux visiteurs de se projeter dans le décor d’antan, tout en prenant conscience du passage des années !

Sur la façade de la Régie, dite Galerie d’Hercule, le parti-pris a été un peu différent. Certaines des arcades comportent deux parties, une très bien conservée et une autre trop endommagée par les restaurations précédentes. Plutôt que de retoucher directement la fresque, les spécialistes ont développé une méthode de reconstitution sur des panneaux en aluminium de ce qui semble être la partie manquante, et ont ensuite accroché ces plaques en s’alignant au mieux avec l’image déjà présente. De loin comme de près, l’illusion fait son effet ! Et le tout est conservé à son état actuel.

* Les fresques de la régie avaient d'ailleurs été restaurées de cette manière au 19e et au 20e siècles, en étant repeintes presque intégralement tout en reproduisant le dessin de la fresque originelle. Cela a cependant conduit à des pertes du dessin original et à des transformations des motifs, car l’état des dégradations au moment des restaurations ne permettait pas de bien les identifier.

Que racontent-elles ?

Hercule est la figure tutélaire de Monaco, c’est-à-dire qu’elle incarne la principauté et sa famille dirigeante, comme la Rome antique se liait à la légende de Romulus et Remus. Pour la petite histoire, c’est lors d’un de ses périples qu’il aurait coupé une montagne en deux et ainsi créé le rocher sur lequel s’est établi la ville de Monaco. L’activité du port remonte d’ailleurs au moins à 300 avant Jésus-Christ ; ce qui, à défaut de prouver l’exploit du héros mythique, en fait déjà une ville tout à fait antique. Hercule et ses douze travaux sont ainsi le sujet principal de la Galerie visible depuis la Cour d’Honneur, celle qui accueille donc la plupart des visiteurs. Une véritable vitrine de muscles et de vertus !

Dans l’ancien Salon de Matignon, a été dégagé un plafond présentant en son centre la nymphe Europe enlevée par le dieu Jupiter déguisé en taureau. Cette iconographie, récurrente dans les cours européennes, a sûrement été reproduite dans ce palais renaissant pour affirmer l’affiliation des Grimaldi aux dynasties royales. 

Enfin, dans la salle du Trône, une des dernières où ont été menées les investigations, on trouve une curieuse et rare iconographie : la Nekuia d’Ulysse. Si on ne présente plus ce héros grec, cet épisode de ses aventures est bien moins connu ! Une scène sombre, au royaume des morts… Ulysse sacrifie une brebis et un agneau et boit leur sang afin qu’un esprit lui indique la bonne route à suivre pour retrouver Ithaque. Difficile de comprendre la présence d’une telle scène si près du trône. Les paris sont ouverts : une idée ?

Le Palais de Monaco est ouvert à tous jusqu’au 15 octobre, avec un parcours pensé pour toute la famille ! Prêt pour une plongée é(mer)veillée dans l’histoire et la mythologie ?

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Écrit par Pauline ILLA - Voir tous ses articles