L’auto – pop – trait de l’artiste
Quand on parle d’Andy Warhol, on pense au pop art, aux portraits de Marilyn, aux bouteilles de Coca… Mais aussi à sa Factory, ce lieu de rencontre avec les artistes et les célébrités, un lieu d’exposition, de performances. Ce n’est pas pour rien que Jean-Michel Basquiat rêve de l’intégrer ! C’est là aussi qu’ont lieu les premiers concerts de The Velvet Underground, le fameux groupe de Lou Reed. Bref, Andy Warhol est un artiste total, touche-à-tout, qui multiplie les rencontres et les collaborations.
Mais l’artiste ne fait pas que représenter les autres célébrités. Dans sa vie comme dans son œuvre, il a l’art de se mettre en scène. Un vrai pro pour rendre célèbre tout ce qui l’entoure, y compris lui-même ! Neuf Andy Warhol vous observent… Impressionnant, non ?
Andy, une pop star
Quand il crée cette œuvre en 1966, Andy Warhol est à la fois un artiste reconnu et une véritable star ! Chef de file du pop art américain, un mouvement qui met à l’honneur les produits de la société de consommation, il introduit dans ses œuvres aussi bien des images de célébrités (Marylin Monroe ou Liz Taylor par exemple) que des produits de la vie quotidienne (comme les boîtes de soupe Campbell ou les bouteilles de Coca).
Mais Warhol se prend également souvent pour sujet. Et comme il est lui-même une star, pourquoi ne pas se peindre dans le style d’une Marylin ou d’une Liz ? Cet autoportrait de 1966 est une mosaïque de neuf toiles accolées les unes aux autres. L’artiste y est représenté pensif, la tête légèrement tournée vers la gauche, deux doigts sur la bouche. Une partie de son visage disparaît dans l’ombre. Les formes sont simplifiées, l’expression figée et vide de sentiment. Superficiel ? Peut-être, mais cet autoportrait est troublant. Les neuf visages dupliqués, telles des radiographies, happent notre regard : difficile de les oublier !
Une reproduction à la chaîne, typique du pop art
La technique utilisée est celle de la sérigraphie. Andy Warhol se prend en photo à l’aide d’un déclencheur automatique – un selfie de l’époque ! – , la recadre puis en fait un négatif sur une toile (qu’on appelle « tamis »). Ce tamis sert ensuite de pochoir pour apposer des aplats de couleurs sur la toile. Pour cet autoportrait, il l’utilise neuf fois, avec des variations de couleurs primaires et secondaires, créant de forts contrastes qui frappent l’œil.
Grâce à la sérigraphie, Warhol produit à la chaîne, facilement et à l’infini. Et comme il maîtrise à la perfection l’art de la communication et de la provocation, il affirme les peindre comme « une machine » : ses assistants peuvent d’ailleurs très bien le faire à sa place ! La réaction des critiques ne se fait pas attendre : l’artiste est tout autant admiré que controversé.
Derrière le miroir d’Andy Warhol
Si cet autoportrait est fascinant, c’est peut-être parce qu’en se représentant en neuf exemplaires dépouillés, ni tout à fait les mêmes ni tout à fait différents, l’artiste devient une simple image, presque un objet. Comme une boîte de soupe ou une bouteille de Coca. Avec Andy Warhol, les objets de consommation se transforment en œuvres d’art et les œuvres d’art, reproductibles à l’infini… en objets de consommation ! Les « grands magasins deviendront les nouveaux musées et les musées des grands magasins », écrit-il.
À cela s’ajoute, et c’est perceptible dans nombre de ses œuvres, une réflexion pleine d’angoisse sur la mort. Il fait le portrait de Marilyn alors que celle-ci vient à peine de mourir et celui de Liz Taylor quand elle est dans le coma. En se peignant encore et encore à la manière d’une icône quasi sacrée, il tente à sa façon de s’inscrire dans une forme d’éternité… Aura-t-il raison ?
Éléonore Nessmann
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