Emballé, c’est pesé ou plutôt… empaqueté ! Le duo composé de Christo Vladimiroff Javacheff et de Jeanne-Claude Denat de Guillebon s’est démarqué au cours de sa carrière à travers des chantiers artistiques éphémères et monumentaux.
40 ans après The Pont-Neuf Wrapped (voir ci-dessous), l’artiste JR dévoile un projet/hommage au couple prévu pour septembre 2025, qui poursuit le relooking du monument parisien. L’occasion de redécouvrir l’œuvre de Christo et Jeanne-Claude !
Qui sont Christo et Jeanne-Claude ?
Folie à deux
Le couple se rencontre la première fois en 1958, alors que Christo réalise le portrait de famille de Jeanne-Claude. Il est alors un jeune artiste bulgare, d’origine tchèque, qui vit à la capitale de ses portraits de femmes bourgeoises.
Il débute à cette même période ses expérimentations autour de l’empaquetage… Boîtes de conserve ou autre détritus y passeront. Christo verra les choses en (beaucoup) plus grand très rapidement. Jeanne-Claude, elle, est une jeune hôtesse de l’air en devenir, elle vient de se fiancer et de stopper ses études. Mais une idylle naît entre l’artiste et elle, et Jeanne-Claude divorcera l’année d’après. Le couple s’installe finalement à New York en 1964, où ils vivront le reste de leur vie.
Ce qui fait de Christo et Jeanne-Claude un couple à part, c’est d’abord leur dynamique de travail. Christo a les idées, Jeanne-Claude fait en sorte de les réaliser ! Le couple finance de manière autonome ses œuvres. En vendant les dessins de Christo par exemple. Leurs projets de grande envergure les ont en effet amenés à s’éloigner du marché de l’art et de ses conventions, avec des œuvres finales… impossibles à vendre !
Être en couple leur apporte aussi une motivation à toute épreuve. Car penser à empaqueter l’Arc de Triomphe est une chose, mais l’empaqueter en est une autre. Les idées du duo font dès le départ lever certains sourcils et ils se doivent de répondre à des conditions financières, logistiques, urbanistiques et bien sûr politiques. Ils ne sont pas trop de deux pour cela !
Le Land Art de la démesure
Le processus de création et de réflexion de leurs installations, qui peut durer plusieurs années, fait entièrement partie de l’œuvre. Christo a laissé derrière lui une grande quantité d’esquisses préparatoires et de dessins techniques de ses projets. Des œuvres qui sont aussi folles dessinées sur papier que montées dans la vraie vie, et des chiffres tout aussi extravagants !
Land artistes ? Nouveaux réalistes ? Difficile de donner un genre ou un mouvement au duo, d’autant plus que ce dernier avait tendance à refuser toute attribution. Ils tenaient également à faire en sorte de recycler chaque élément utilisé : l’art éphémère atteint avec eux son paroxysme.
Les productions in situ de Christo et Jeanne-Claude demeurent cependant certaines des plus ambitieuses et originales du XXème et XXIème siècle. En empaquetant des monuments ou en recouvrant des aires naturelles, comme pour le projet Surrounded Islands (1983) dans la baie de Miami, le duo pose un regard certes éphémère mais nouveau et frais sur ces îles.
Ces lieux et monuments, pourtant si familiers, deviennent soudain étrangers. Il y a bel et bien un avant et après : le quotidien est bousculé tout autant que nous ! Christo et Jeanne-Claude offrent littéralement leurs œuvres aux villes qu’elles occupent, comme une courte parenthèse artistique.
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Quelques œuvres
Pont Neuf Wrapped, 22 septembre – 7 octobre 1985
Cette œuvre iconique de Christo et Jeanne-Claude germait dans l’esprit du duo dès les années 1970, jusqu’à être concrétisée en 1985. Elle constitue le premier projet finalisé d’empaquetage de bâtiment par le couple. Un pari audacieux, celui de recouvrir le plus vieux pont de Paris, qui nécessitera 10 ans de négociation et l’expertise de 12 ingénieurs. Christo fait le choix d’une couleur beige dorée pour recouvrir le pont qui, lorsque venait le coucher de soleil, renforçait son allure prestigieuse. Tu me vois ? Tu me vois (encore) plus !
Wrapped Reichstag, 23 juin – 7 juillet 1995
En 1995, Christo et Jeanne-Claude s’attaquent au Reichstag à Berlin. Le monument allemand de plus de 13 000 mètres carrés est hautement symbolique dans l’histoire politique du pays. Son incendie en 1933 a été utilisé comme argument politique par les nazis, accusant le parti communiste d’être responsable du désastre.
Une installation délicate à manipuler donc pour notre cher duo, mais pour Christo c’est un rêve qui se réalise. Lui, l’émigré bulgare, voit en 1971 l’opportunité d’une œuvre montrant la tension entre le Berlin est et ouest. Quand sa création est installée en 1995, 6 ans après la chute du mur de Berlin, l’œuvre change de sens. Le Reichstag, ancien outil nazi, prend des allures sereines d’un temple grec. L’œuvre séduit les riverains et visiteurs, qui seront 5 000 000 à venir la contempler.
Des chiffres ? 220 employés, 80 00 mètres de cordage, 100 000 mètres carrés de tissu et quelques 7 000 000 de dollars… rien que ça !
The Gates, 12 – 28 février 2005
Imaginé en 1979 et finalement réalisé en 2005, le projet The Gates a permis de créer le temps de 16 jours un parcours poétique de 35km à travers Central Park à New York.
Cette expérience esthétique, aux allures de portes torii japonaises, réchauffe New York sous la neige avec sa couleur safran. Les joggeurs sont illuminés, les passants charmés… l’œuvre plait aux habitants de Big Apple. Le tissu, flottant doucement au rythme du vent, donne une tonalité apaisante de jardin zen au cœur végétal de la mégalopole.
L’œuvre et sa conception sont monumentales : près de 5 400 tonnes de métal ont été utilisée pour la réalisation des socles des quelques 7500 portiques, l’équivalant de deux tiers de la tour Eiffel !
L’Arc de Triomphe Wrapped, 18 septembre – 3 octobre 2021
En septembre 2021, un an après la mort de Christo, le chantier posthume de l’empaquetage de l’Arc de Triomphe fait sensation dans la capitale française.
Réfléchie depuis les années 1960, l’œuvre reprend les principes essentiels du travail du couple : mettre à nu un monument… en l’habillant ! Les formes et volumes du bâtiment sont réduits à l’essentiel, et le tissu qui se plisse remplace les reliefs sculptés de l’Arc. L’édifice serait presque devenu humble. L’héritage artistique de Christo perdure après sa disparition.
Cette image est une étude du projet produite entre 1962 et 1963, et nous montre le processus de réflexion de Christo. À partir d’une petite maquette et d’un photomontage habile, il dévoile facilement ses intentions. Les dimensions sont claires, on a bien l’édifice gigantesque et rectangulaire que l’on connait bien. C’est avec un jeu de lumière astucieux que l’on comprend l’agitation du trafic parisien, nous sommes sans aucun doute au rond-point de l’Étoile !

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