Exposition Orlan « Les femmes qui pleurent sont en colère » au musée Picasso

Orlan Picasso

Les photomontages de l’artiste Orlan, tirés de peintures de Picasso, sont exposés jusqu’au 12 juillet au musée Picasso, à Paris. L’occasion de voir sous un angle nouveau et féministe les portraits de femmes du célèbre peintre.

Quel rapport entre Orlan et Picasso ? Aucun, me direz-vous de prime abord, et pourtant… La plasticienne Orlan a rejoint la longue liste des artistes qui se sont inspirés de Picasso, l’ont imité ou encore détourné, d’Andy Wharol à Roy Lichtenstein, en passant par David Hockney.

Du cubisme moderne ?

Orlan a crée en 2019 deux séries de photomontages : « Orlan s’hybride aux portraits des femmes de Picasso » et « Les femmes qui pleurent sont en colère », actuellement exposées au musée Picasso, à Paris, jusqu’au 2 juillet. Celle qui a fait de son corps une œuvre a inséré des morceaux de photographies de son visage à douze œuvres du peintre. Et là où les artistes du siècle dernier utilisaient la technique du collage, Orlan utilise les outils numériques. Elle s’inscrit toutefois dans la continuité du cubisme, en créant des formes cassées, ce qu’elle décrit comme une « destruction-reconstruction ».

Le regard féministe d’Orlan

Avec la série « Les femmes qui pleurent sont en colère », Orlan s’empare de plusieurs peintures que Picasso a réalisées à la fin des années 1930, suite à la guerre civile en Espagne. Elles représentent des figures éplorées, pour la plupart inspirées par le visage de la photographe Dora Maar, alors compagne du peintre.

En modifiant ces tableaux, Orlan a voulu « mettre en scène les femmes de l’ombre : les inspiratrices, les modèles, les muses », explique-t-elle. Et dans l’œuvre de Picasso, elles ont été nombreuses à jouer ce rôle au fil des rencontres amoureuses du peintre.

Orlan interroge également la place des femmes au sein du monde artistique, ainsi que le statut de leur corps, soumis aux pressions politiques, sociales et religieuses. Pour Orlan, Picasso objective le corps de ses modèles féminins, c’est-à-dire qu’il les rapporte à des objets. Orlan se réapproprie donc les œuvres du peintre dans le but de « remettre la femme-sujet au centre », affirme-t-elle. Pour ce faire, elle a notamment inséré dans les œuvres de Picasso sa bouche qui hurle et exprime la colère de ces femmes. Elles sortent ainsi de la passivité de modèle silencieux et docile.

Questionner l’œuvre de Picasso

L’exposition d’Orlan s’inscrit dans un cadre plus large : le musée Picasso souhaite « interroger la postérité de l’artiste » et « faire écho aux débats actuels autour de son œuvre ». Ce que le musée évoque par cette formule un peu vague, ce sont les accusations de sexisme dont fait l’objet Picasso. Le peintre a en effet eu des comportements misogynes voire violents avec ses nombreuses compagnes.

Des comportements qu’ont notamment dénoncé dans des livres Françoise Gilot, ancienne femme de Picasso, et Marina Picasso, sa petite-fille. Celle-ci a par exemple écrit qu’il « vidait les femmes de leur essence » avant « de les jeter ». Chez Picasso, la vie personnelle et les relations amoureuses sont indissociables de l’œuvre, tant il s’est servi de ses compagnes comme modèles et sources d’inspiration.

Et le peintre a eu une emprise sur son entourage qui a perduré après sa mort, survenue en 1973. Deux de ses anciennes compagnes se sont suicidées, Marie-Thérèse Walter en 1977 et Jacqueline Rocque en 1986. Quant à son petit-fils Pablito, il a absorbé de l’eau de javel deux jours après les obsèques de son grand-père, pour finalement en décéder trois mois plus tard.

Après Orlan, qui a ouvert ce nouveau cycle d’exposition au musée Picasso, ce sera au tour de l’artiste Farah Atassi d’exposer en septembre plusieurs œuvres en relation avec celles du peintre. En attendant ce rendez-vous, le musée propose deux autres expositions temporaires, jusqu’au 31 décembre : l’une consacrée à Maya Ruiz-Picasso, la fille du peintre, et l’autre dédiée à la dation qu’elle a transmis au musée.

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Écrit par Célie Chamoux - Voir tous ses articles